mercredi 28 septembre 2011

Pour être élu président des USA, ne fais pas savoir que tu parles une langue étrangère!

J'aimerais bien me faire élire président des États-Unis.

J’ai toutes les qualifications qu’il me faudrait : j’ai plus de 45 ans, je suis né aux USA et je suis citoyen du pays.  Je n’ai commis aucune infraction criminelle non plus.

Il n’y a qu’un tout petit inconvénient - je parle français.  Pis, je fais de mon mieux de supprimer mon accent américain (parfois avec succès).

Or dans la plupart des pays du monde, les connaissances des langues étrangères sont considérées comme un avantage.  Je crois que Angela Merkel parle deux langues étrangères assez bien, par exemple.  L’anglais est la langue commune des affaires et dans le monde contemporain, la diplomatie.  Il est vrai que l’anglais de votre président est hésitant, mais il a des ministres et des aides qui sont plus fort en anglais et Sarkozy peut en dépendre pour naviguer dans les sphères diplomatiques.

Aux États-Unis des connaissances des langues seraient pourtant un boulet.  Un peu d’espagnol serait permis auprès du public américain, le Mexique étant un pays limitrophe (Jimmy Carter le parlait suffisamment bien pour faire des discours en cette langue, pendant les années 70).  Mais un candidat présidentiel américain quelconque qui parlait français couramment n’arriverait jamais à se faire élire.  La langue française, bien parlée, suscite le mépris du peuple pour tout ce qui lui est étranger, et plus précisément, pour la France.  C’est comme si on ne peut être citoyen loyal de l’Amérique en même temps que l’on porte son regard à une culture qui n’est pas la sienne. Et en 2004, établir un lien, pour petit qu’il soit, avec la France, pays qui a eu la hardiesse de ne pas soutenir la guerre en Irak en 2003, aurait été du poison dans le cadre de la politique américaine de l’époque.

Si l’on revient aux présidentielles américaines de 2004, on voit très bien les caractéristiques nationales que je viens d'évoquer.  Certains partisans des Républicains (le parti de la droite) disaient que le candidat des Démocrates (John Kerry, le sénateur du Massachusetts) avait l’air d’être français.  Ils ont fait l’analyse de sa physionomie et en ont conclu que Kerry était plus français qu’américain.  Son visage révélait la lâcheté, la faiblesse, ils précisaient.  L’électorat ne pouvait se fier à cet homme en temps de guerre, selon eux.  « Et si vous ne croyez pas que John Kerry soit plus français qu’américain, nous vous rappelons qu’il est allé à une école suisse dans sa jeunesse.  Il y a appris le français et le parle bien d’ailleurs. » Un pourcentage significatif des Américains y ont cru.

Le peuple américain n’avait plus besoin de preuves du manque de patriotisme de la part du candidat des Démocrates et George Bush a facilement remporté en 2004.  Bien sûr, l’aspect « français » du sénateur Kerry et ses connaissances de la langue française n’étaient pas son seul handicap à la campagne.  Mais la francophilie dont Kerry était soupçonné ne l’a pas aidé du tout à convaincre l’Americain moyen que ce nanti qui, lui, disposait d’une maison de campagne en France, serait le candidat le plus fort en ce qui concernait la sécurité et la guerre contre le terrorisme.  Les Républicains ont réussi à faire croire aux Américains que George Bush était le vrai Américain de souche des deux candidats.

Certes, il y a des commentateurs français qui doutent du patriotisme des Français qui parlent bien l’anglais.  Il y en avait un (que j’admire beaucoup) qui disait que Christine Lagarde était « une Américaine dans une enveloppe française ».  Il en rajoutait sûrement.  Mais un homme politique français qui parle une langue étrangère, qu’elle soit l’allemand, le chinois, etc., ne provoquerait pas autant de polémique que l’on rencontrerait aux États-Unis dans un cas pareil.

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