mardi 10 décembre 2013

Nuls en maths

Bonjour M./Mlle Élève Français(e) ou Américain(e),

Si ton habilité en maths est suffisante pour trouver la valeur de la variable de l’équation suivante, 3X - 2 > 4, tu es probablement:

1. issu(e) d’un milieu social favorisé.

2. assez mal à l’aise dans votre société, car en dépit de nombreuses intérrogations sur la sous-performance de ton pays en matière de mathématiques, les maths ne sont pas respectées ni par tes copains, ni par la culture médiatique.

Je te plains, tout en te félicitant de ton habilité.

Si tu peux résoudre cette équation, f(x)= 6, tu n’es

1. ni français(e)

2. ni américain(e)

3. mais chinois(e), coréen(ne), ou japonais(e).

samedi 9 novembre 2013

Le Pessimisme


D’après une enquête Ipsos réalisée en printemps auprès de plus de 6 000 Européens, les Français arrivaient en tête en matière de pessimisme, avec 97 % des ménages estimant que les choses iraient de mal en pire dans les années qui viennent.  Il fallait être surdoué pour l’emporter sur la concurrence : 94 % des Espagnols et 91 % des Italiens partageaient votre avis.

Vous étiez très clairs quant à vos inquiétudes : vous craigniez le déclassement, le déclin progressif du modèle social français et un avenir où vos enfants vivraient moins bien que vous en général. 

Peut-on y croire pour autant ? Les enquêtes qui sondent les sentiments des gens ne me semblent pas très fiables.  Rappelons-nous que les questions du sondage que je viens de citer portaient sur l’avenir et non pas le présent - il est normal que l’inconnu suscite des inquiétudes.  On peut donc être content du présent (ou pour le moins vivre un présent qui offre la possibilité de l’être), tout en prévoyant un avenir plein de doutes.  « Croyez-vous que vos enfants vivront mieux que vous ? » est une question faite pour saper la confiance.  La confiance, c'est une évidence que vous en manquez, car vous y répondiez majoritairement « non ». 

En tant qu’Américain je vous dirais que les choses ne peuvent être si mauvaises que ça. Puis je me rappelle que la France est un pays où un philosophe (Alain Finkielkraut) peut faire la une d’un hebdomadaire majeur (Le Point du 10 octobre).  C’est le pays de Sartre et Camus.  En France vous faites des réflexions et les réflexions mènent inéluctablement au doute.

Naturellement vous vous indignerez et me répondront dédaigneusement que je n’exprime que mon souhait si typiquement américain de voir le verre à moitié plein.  Nourri de mythes hollywoodiens, il m’est culturellement impossible de voir les choses en noir, si terribles qu'elles soient en réalité.

Mais si nous sommes un peuple qui a du mal à réfléchir, nous n’en sommes pas plus optimistes.  Le taux de confiance en l’avenir aux États-Unis a atteint un niveau historiquement bas ; il a en fait dégringolé depuis la crise de 2007-8. Le pessimisme n’est pas limité au domaine matérialiste non plus.  Dans un sondage réalisé en 2012 auprès de 2 000 Américains, deux-tiers se sont révélés inquiétés du déclin des valeurs traditionnelles. D’autres sondages rapportent que deux-tiers de mes compatriotes croient que l’Amérique est « sur la mauvaise voie ».

Malgré le regard positif que certains économistes et commentateurs français dirigent vers l’économie américaine, à mon avis vous n’avez pas grand-chose à nous envier, tout compte fait.  Bien sûr, le marché du travail et la réglementation excessive gênent la croissance en France, mais au-delà de la finance et les grandes entreprises internationales, ça ne va plus économiquement aux USA non plus - l’Amérique profonde a été particulièrement touchée par la désindustrialisation et le déclin de valeurs évoqué ci-dessus.  Notre inégalité des richesses ne cesse de s’élargir, la précarité menace d’anéantir la classe moyenne, la possibilité de faillite personnelle en raison des dettes médicales hante une partie importante du public américain (en dépit de la réforme de santé qui vient d’entrer en vigueur) et j’en passe.


Cependant, la photo que j’ai affichée ci-dessus serait une impossibilité aux États-Unis.  L’autocritique n’y franchit jamais une certaine limite.  Ici il faudrait que l’on en arrive au retour des conditions des années 30 pour que nous pratiquions l’auto-flagellation hexagonale.


mardi 24 septembre 2013

La France et les États-Unis : seuls contre tous sur le dossier syrien

Il est rare que la politique étrangère de la France s’aligne sur celle des États-Unis.  Aux USA votre pays est normalement considérée comme notre meilleur ennemi.  On pourrait évoquer la brouille de 2003 à la suite de notre invasion de l’Irak et la sortie de la France de l’OTAN en 1966 pour n’indiquer que quelques exemples bien connus du refus de la part de la France de se soumettre à l’Oncle Sam. Vous nous accusez d'avancer nos vulgaires ambitions géopolitiques, pour ne pas dire impériales, sous couvert d’assumer le rôle de gendarme pour le monde entier et seul défenseur de valeurs démocratiques.  Pour nous, la France est un allié dont on peut bien se passer, le pays qui nous a montré de la bienveillance à notre naissance et indépendance, fêté notre adolescence avec la Statue de la Liberté, mais, une fois que nous sommes devenus une puissance mondiale, ne pouvait plus nous supporter.

Nous sommes faits pour nous entendre, mais l’histoire des relations franco-américaines, surtout depuis 1945, est une histoire de malentendus, voire de mépris et de rejet.  C’est quand même curieux que sur le dossier syrien nous ayons fini par nous mettre tout à fait d’accord.

Il faut préciser que c’étaient plutôt nos présidents respectifs qui, dans notre grande tradition droit-de-l’hommiste, ont pris la décision d’intervenir militairement en Syrie pour sanctionner Bachar Al-Assad.  Ils n’ont consulté personne préalablement.  Ils n’avaient pas pris en compte la frilosité des législateurs, ni le manque d’esprit guerrier de la part des publics français et américain. Donc, on ne peut pas dire que les peuples des pays concernés donnent leur soutien à ce projet, bien au contraire.

Or, on a tiré sur Obama et Hollande à boulets rouges.  Des commentateurs de tous bords les ont calomniés et c’est Vladimir Poutine plutôt que tout le monde couvre d’éloges (même François Fillon lui fait la cour et Éric Zemmour salue la cohérence de sa politique étrangère). Il est incontestable que Poutine, ayant saboté l’action militaire franco-américaine au Conseil de sécurité, a ensuite tiré Obama et Hollande de l’embarras en donnant le feu vert au démantèlement de l’arsenal chimique syrien.  Il reste à savoir si ce projet va se poursuivre ou pas, mais pour l’instant, Obama et Hollande devraient être reconnaissants du geste que Poutine leur a fait. Car ils ont montrés leurs cartes et ont découvert aussitôt qu’ils n’avaient pas les gagnantes.  Une frappe militaire ne mettrait pas au pas le gouvernement syrien et serait certaine plutôt d’aggraver une situation au Moyen Orient déjà très tendue.  Politiquement, pour Obama et Hollande des pourparlers qui n'aboutissent à rien valent mieux à ce stade que des menaces d’intervention militaire ambiguës.

Il est pourtant impossible d’oublier que de tous les acteurs qui ont intérêt à ce que la crise syrienne soit résolue, Obama et Hollande ont été les seuls à agir par principe. S’agissant de la Syrie, ils ne se sont pas montrés les plus intelligents, mais ils se sont prouvés les moins cyniques.

jeudi 29 août 2013

L’immigration

S’il y a une identité nationale américaine, il est incontestable que l’immigration en est une partie essentielle.  Presque tous les résidents actuels des États-Unis sont les descendants des gens qui sont venus d’ailleurs ; une partie importante de la population américaine est même née à l’étranger.  L’exception, bien sûr, est le cas des Indiens - leur exclusion fut, comme l’esclavage, le péché originel notre pays ; nous sommes toujours en train de l’expier.  Mais le droit d’émigrer en Amérique pour s’y réinventer est l’une des idées fondatrices de notre république.  Pour nous, le fait que la question des Indiens ne soit pas résolue ne diminue pas du tout la puissance de l’idée que les USA sont le pays où l’immigré sans espoir peut s’installer et faire fortune.  La preuve en est les dizaines de milliers de gens de toutes parts qui cherchent la citoyenneté américaine chaque année, ou pour le moins le droit de résidence (dont une quantité non négligeable de Français).

La France a elle-même subi des vagues d’immigration, particulièrement depuis le tournant du siècle dernier et continuant, bien sûr, jusqu’à nos jours.  Je pense des parents et grands-parents d’Anne Hidalgo, Manuel Valls et Aurélie Filippetti entre 1920-1970 ; depuis 1970 on a, bien sûr, témoigné du phénomène de l’immigration maghrébine et africaine.  On pourrait toujours dire que, tout compte fait, de tous les pays d’Europe, la France reste le plus accueillant pour les étrangers ; la France peut aussi compter plus d’histoires de l’intégration réussie qu’elle ne croit.

L’immigration ne fait pas pour autant partie du mythe national (s’il y en a un) de la France.  S’il y a un un rêve français, je ne crois pas qu’il joue le même rôle clé dans votre culture nationale qu’aux USA. Certes, quelques Américains « de souche » s’inquiètent du caractère de plus en plus polyglotte de leur pays et la réforme des lois qui portent sur l’immigration et nationalisation occupe la classe politique.  Chez nous l’immigration n’est pas pour autant un défi existentiel, comme elle l’est en France et plus largement en Europe. Nous avons plein de ghettos, mais ils ne sont pas liés à une politique migratoire échouée.

jeudi 18 juillet 2013

Barack Obama et François Hollande

Il ne semblerait pas y avoir beaucoup de traits communs entre nos présidents.  L’un représentait une vraie rupture dans la politique présidentielle américaine quand il fut élu en 2008.  Fils d’un Kenyan et une mère blanche, Obama était le symbole par excellence de la nouvelle Amérique : métissée, ouverte, mondialisée.  Là où son prédécesseur divisait et agaçait, pendant sa première campagne Obama était prometteur et rassembleur.  Il incarnait tout l’espoir d’un pays épuisé et déçu par huit années de guerre et division, le tout comblé par la crise financière de 2007.

Tout comme nous en 2008, en 2012 vous en aviez eu assez du président sortant.  Vous avez pourtant choisi d’élire le produit pur du système.  Énarque et apparatchik expérimenté, François Hollande avait vécu les guerres fratricides du PS (et avec du recul, il paraît que sa meilleure vertu était peut-être qu’il y avait survécu). Peu importe, vous étiez prêts à accueillir un nouveau locataire l’Élysée.  Vous avez fait d’ailleurs peu de cas de son manque de charisme et dynamisme.

Malgré toutes leurs différences, Hollande et Obama partagent un point commun important.  Les deux ont réussi à décevoir leurs pays respectifs et les causes de la déception sont les mêmes. Et sur Hollande et sur Obama on projetait tous les espoirs frustrés qui s’étaient accumulés pendant le mandat précédent.  En 2008, les Américains regardaient Obama et n’y voyaient que ce qu’ils voulaient.  C’était un cas de narcissisme en masse et vous n’en aviez rien appris en 2012. Et en France et aux USA, on s’attendait à ce qu’un messie vienne nous sauver, mais on n’a malheureusement élu qu’un être humain.

mercredi 26 juin 2013

Amazon.fr : cheval de Troie


Imaginez qu’une grande multinationale démontre de l’intérêt à ouvrir un gros entrepôt aux alentours d’une commune très touchée par le chômage.

Impossible de s’y refuser !  Avec tant de jeunes en mal d’emploi, personne n’a la patience d’examiner de plus près la qualité des postes promis.  Une embauche est une embauche !  Que l’entreprise vienne construire son entrepôt, notre jeunesse sera ravie d’y travailler.

Les contrats sont signés et l’entreprise (en l’occurrence, Amazon France) construit son entrepôt gigantesque pour assurer sa logistique dans la région.  La laideur du bâtiment devrait donner de quoi s’inquiéter, mais les autorités sont toutes touchées par l’aveuglement.

Les embauches promises s’effectuent : un millier de salariés travaillent désormais dans l’entrepôt de façon permanente.

Le temps s’écoule et les premiers bémols commencent pourtant à s’entendre.  Le rythme de travail soutenu est apparemment insupportable, selon les témoignages des salariés qui n’ont pas peur de s’exprimer.  Les salaires sont dérisoires.  L’ambiance au travail est lourde (c’est le moindre que l’on puisse dire). 

Les inquiétudes ne cessent de s’accumuler.  Amazon.fr emploie la vente au rabais pour étouffer la concurrence.  Les petites librairies se ferment.  Les réclamations du fisc envers Amazon, toujours pas résolues et dont personne ne se souvenait lorsqu’on signait les contrats, commencent à faire grincer les dents.

Au fil du temps on se rend compte que l’on aurait dû tirer une leçon de l’antiquité, car on s’est fait avoir tout à fait.  On a laissé se construire un cheval de Troie en 2013 !

samedi 1 juin 2013

La Gestion des enseignants des deux côtés de l’Atlantique

Lors d’une interview sur RTL le 22 mai, le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, a fait plusieurs préconisations concernant la gestion de l’école.  

M. Migaud a fait part de plusieurs constats qui m’ont retenu l’attention.  Dans un premier temps, il nous a rappelés que la performance de l’école française est médiocre par rapport à ce qu’elle était il y a quelques années (il aurait pu également dire « l’école américaine »). Ce fait n’offre pourtant rien d’étonnant : je
sais que M. Migaud a des chiffres à l’appui, mais tout de même il faut se méfier de la nostalgie.  Est-ce notre enfance ou l’école d’antan qui nous manque ?

Puis M. Migaud a fait état de l’affectation des enseignants les moins expérimentés, à savoir les débutants sont envoyés aux zones les plus difficiles, malgré les vœux de François Hollande (et ses prédécesseurs sans doute), tandis que les profs avec plus d'ancienneté sont affectés dans les endroits plus paisibles. Il serait plus efficace de mettre les profs les plus expérimentés (et donc endurcis) dans les ZEP.


Or, je
sais par expérience que l’enseignant en début de carrière qui doit tenter de gérer une classe difficile peut en sortir brisé.  Mais l’honnêteté m’oblige à avouer que même si j’avais eu bien plus d’expérience, je n’aurais guère fait mieux dans ma première affectation (dans un quartier défavorisé de New York).  J’estime qu’il faut s’interroger sur la solution proposée.  Est-ce réellement le niveau d’expérience des instits qui pose problème dans les collèges dits difficiles ? 

Et en France et aux États-Unis on a beaucoup de mal à faire le point sur les mauvaises conditions de travail des profs et le découragement que ces derniers subissent dans leurs premières années de service.  Je ne m’étonne pas que tant de jeunes professeurs commencent leur métier avec idéalisme, mais quittent l’enseignement après une ou deux années parce qu’ils n’en peuvent plus.


jeudi 2 mai 2013

Mohamed Merah et les frères Tsarnaev : gare aux comparaisons faciles !

Aux USA nous nous efforçons de comprendre ce qui aurait pu pousser deux jeunes hommes, en apparence bien regardés et par ailleurs bien intégrés dans la société américaine, à commettre un acte de terreur aussi haineux que celui du 15 avril.  A priori on aurait de quoi s’inquiéter si ces deux immigrés, qui jusqu’alors n’avaient suscité aucun soupçon, étaient capables de planifier et mener à bout un attentat prémédité contre des personnes totalement innocentes, en l’occurrence les coureurs du marathon de Boston.

Le désir de comprendre la motivation des frères Tsarnaev a incité quelques Français à comparer cet incident avec l’affaire Merah.  Certes, Merah et les Tsarnaev partageaient un sentiment de victimisation et une haine insensée. Tous les trois ont su occulter leurs projets de meurtre jusqu’au passage à l’acte.  De plus, on peut dire qu’ils étaient tous les trois des adeptes du djihad de cour de récré numérique. On a tout à fait le droit d’en venir à ses propres conclusions là-dessus.

À mon avis pourtant, ce serait une erreur de les mettre tous dans le même sac.  Mohamed Mehra était bien connu des services de police.  Il avait voyagé en Afghanistan et au Pakistan pour s’entraîner à l’usage des armes à feu. Il n’avait pas trouvé sa place dans la société française (c’est le moins que l’on puisse dire) et il n’avait pas l’air de souhaiter la chercher.  Dernièrement, les signes qu’il entendait passer à la violence physique ne manquaient pas. 

En revanche, les frères Tsarnaev n’avaient sombré dans la violence qu'au moment fatidique où ils ont décidé de fabriquer leurs bombes.  Le frère aîné s’était dédié à la boxe, le cadet s’était fait bien des amitiés au lycée et son seul défaut était qu’il était friand du cannabis, une drogue connue pour apporter l’apaisement plutôt que la rage. Ici il s’agit de deux vies assez prometteuses qui ont malheureusement pris un très mauvais tournant.

Or, il y a deux leçons à tirer des deux attentats.  Dans un premier temps, il est impossible de baisser la garde face à une menace de terrorisme qui peut surgir de toutes parts et à tout moment.  Mais c’est également impossible de savoir préalablement les conditions sous lesquelles un terroriste domestique pourrait se développer. La vigilance n’est pas la même chose que la compréhension et souvent on confond les deux, surtout de ce côté de l’Atlantique.  L’attaque des Tsarnaev nous laisse pantois d'ailleurs parce qu’elle va carrément à l’encontre d’une certaine idée que nous avons de la capacité de l’immigration de blanchir toute différence.

Par contre, vous avez été bouleversés, voire horrifiés par l’attaque de Mohamed Merah, mais je ne crois pas que vous en ayez été vraiment surpris, parce que l'acte qu'il a commis, si terrible qu’il fût, n’était qu’une expression plus intense de ce qui se passe tous les jours dans les quartiers dits sensibles, à savoir les policiers qui se font caillasser et les attaques des transports en commun. En France Mohamed Merah est le symbole de l’assimilation ratée, alors qu'aux USA, quelles que soient les raisons pour lesquelles les frères Tsarnaev ont fait exploser deux bombes à la ligne d’arrivée du marathon de Boston,  l’immigration en tant qu’idée fondatrice de la nation ne sera pas mise en cause.

lundi 1 avril 2013

A propos de ce blog



Ce blog ne traite pas des relations diplomatiques et militaires entre les États-Unis et la France.  Il y a bien d’autres écrivains beaucoup mieux placés que moi pour vous en parler.  Dans mes articles il s’agit plutôt d’une relation qui ne dit pas son nom, c’est-à-dire, quels sont les changements sociaux et économiques vécus et aux USA et en France, le plus souvent à l’insu du Français et Américain moyens ?

Par exemple, s’agissant du chômage en masse, le monde entier a été touché par la crise de 2007, bien sûr.  Ni les États-Unis ni la France ne s’en sont sortis, paraît-il.  Selon les chiffres, la France est en pleine récession alors que les USA semblent avoir tiré leur épingle du jeu avec un taux de chômage de seulement ( ! ) 8 %.  La vérité est pourtant un peu plus compliquée.  Dans un premier temps, ce sont les Américains les plus aisés qui ont le plus bénéficié de la manne économique.  La classe moyenne (la chouchoute de la classe politique, au moins dans les discours de campagne) a été dévastée par le chômage à long terme et la précarité qui en est la conséquence.  Le secteur manufacturier est disparu. Ce qui reste sont des postes dans la grande distribution aux salaires dérisoires par rapport à ce que la fameuse classe
« moyenne » gagnait autrefois.  Les Américains ont beau chercher de l’abri dans la fonction publique - cette dernière est la victime progressive de l’étranglement budgétaire.

Voilà un portrait que vous devriez reconnaître.

En tout état de cause, s’il existe des similitudes entre vous et nous, on se doit aussi de reconnaître nos grandes différences.  En matière de chômage, vous avez vos fameuses charges sociales et un taux de fiscalité qui nous font froid dans le dos - sauf qu’en Allemagne le coût de travail est au moins au niveau du vôtre.  Aux USA il faut signaler que nous baissons les taxes à tout va sans pour autant parvenir à faire revenir nos usines. 

C’est donc clair que nos différences et similitudes sont intimement liées et ce n’est pas toujours réconfortant d’en faire l’analyse. 

Je reste convaincu que de tous les pays du monde, y compris la Grande Bretagne, l’exemple de la France offre les leçons les plus valables pour nous sur le plan social et économique.  Evidemment, si j’écris en français, je dois croire que les USA offrent, eux aussi, des points d’intérêt pour vous (permettez-moi de saluer d'avance votre esprit d’ouverture).

Les Américains se divisent en deux camps : la majorité, convaincue de la supériorité du modèle libéral, méprise la France et l’État-providence.  La minorité, diplômée et résidant dans les villes de la côte Est ou Ouest, idéalise la France.  Mais les bobos (version américaine) qui aiment la douce France ne tiennent pas compte des changements qui bouleversent votre pays (et sont contents d’ignorer les problèmes de l’Amérique profonde).  Est-ce que les bobos de votre pays prennent conscience des souffrances des couches populaires qui, se trouvant précarisées, marginalisées, recourent de plus en plus au
populisme ?

Toujours des comparaisons à faire...

vendredi 8 mars 2013

Les consommateurs français et américains : dupes




L’affaire de la viande chevaline en dit long sur les changements dans la chaîne de distribution des aliments qui sont apparus ces dernières années.  La mondialisation et les pratiques industrielles inspirées du libéralisme économique dans le secteur agroalimentaire ont bien porté leurs fruits.  Il y a de quoi déplorer à l’égard d’un système qui permet n’importe quoi.  Autrement dit un contrôle aurait dû empêcher qu’une palette de viande étiquetée « viande de cheval » puisse être mélangée avec de la viande de bœuf. Tout le monde en conviendrait, je pense.

Il y a bien des acteurs de mauvaise foi dans cette embrouille et on a naturellement le droit de les fustiger.  Mais il y a un intéressé dans cette affaire dont on a relativement peu parlé : le consommateur.  Celui-ci est lui-aussi le fauteux et on devrait en être reconnaissant si l’on a vraiment envie de décortiquer les causes de ce dérapage.

Car derrière le trucage des traders, n’y a-t-il pas une certaine volonté de la part des consommateurs que les produits qu’ils mettent dans le chariot soient les moins chers possibles ? Peu importe que leurs grandes marques adorées déménagent leurs usines aux pays où le coût de travail est moindre. Peu importe qu’ils soient désormais précarisés, voire marginalisés en raison du chômage engendré par ces mêmes déménagements.  Ça se bouscule au portillon de Walmart aux USA - employeur privé numéro un des USA par ailleurs, où la plupart des produits (de mauvaise qualité) sont de provenance étrangère.  L’Américain moyen est content qu'il puisse remplir son chariot chez Walmart. Il faut souligner que Walmart est souvent mis en cause pour imposer des conditions de travail que l’on pourrait désigner poliment difficiles, pour ne pas évoquer les conditions de travail affreuses chez ses fournisseurs au Cambodge, etc.

(Si vous résidez aux USA, c’est probable que vous habitiez la côte est ou ouest du pays ; vous répondriez que vous n’êtes pas concerné parce que vous ne faites pas des emplettes chez Walmart - détrompez-vous :  les vêtements que vous-même achetez chez J. Crew ou Eileen Fisher sont fabriqués au Bangladesh, au Pakistan et en Chine, avec un rapport prix-qualité scandaleux.  Il en va de même pour l’électroménager, les chaussures, les équipements de ski, quoi que ce soit.)

Les Français devraient se reconnaître dans ce portrait de consommation à la dérive, d’autant que vous-mêmes êtes fous des magasins « hard discount ».  Toute la problématique de l'hypermarché se résume sur l’étiquetage typique d’un pot de miel :  « Mélange de miels originaires et non originaires de
la CE ».  Autant dire que votre miel vient de n’importe où. Et qui s’en alarme ? Personne, à part quelques partisans de l’artisanat alimentaire, dont les voix sont nettement minoritaires.

On ne s’étonne pas que nous soyons si dociles, ne connaissant qu’une révolution dans notre histoire.  On attendait un peu plus des Français que des brûlages de pneus devant des usines destinées à fermeture.

mardi 12 février 2013

Les Journaux de référence




Ça va sans dire que The New York Times est le premier journal anglophone au monde. Et Le Figaro et Le Monde traduisent ses articles pour les mettre en ligne et même pour les inclure dans leurs versions papier.  C’est drôle tout de même pour un New Yorkais de lire The New York Times dans un supplément spécial du Monde !

Cela dit, tout le monde sait que l’internet a changé la donne pour le journal classique. Il y a quelques années le Times s’est vu obligé d’emprunter une somme importante au milliardaire mexicain Carlos Slim, tant l’internet avait rongé ses marges.  Depuis lors le Times a su retrouver l’équilibre avec un nouveau régime d’abonnement en ligne qui a réussi à renflouer les caisses.  Mais l’environnement reste incertain pour le journalisme. Récemment, le Times a dû offrir un parachute doré
à quelques dizaines de reporters et éditeurs expérimentés, la preuve que s’il y a de la lumière au bout du tunnel, il faudra encore un petit effort pour l’atteindre.

Il reste à voir si la « Toile » (comme le Monde l’appelle), censée être la libératrice des connaissances humaines, finira par détruire les entreprises les mieux placées pour rapporter l’actualité et en faire l’analyse la plus réfléchie : les journaux.  
  
Le Monde, le journal français le plus réputé, bénéficie des subventions qui n’existeraient qu'en  rêve pour les propriétaires des journaux américains. De toute façon, l’avenir reste fort incertain pour la presse des deux côtés de l’Atlantique. Le Times et Le Monde ont de quoi s’inquiéter.


Moi aussi, j’ai bien de quoi m’inquiéter, d’autant que je raffole du journalisme et j’aurais du mal à m’en passer. Pour l’instant, Le Monde est heureusement toujours en vente chez une petite vingtaine de marchands de journaux new yorkais* (dans d’autres articles j’ai fait part de ma préférence pour la presse papier).  J’ai donc eu l’occasion de comparer votre journal de référence au nôtre.

Dans le domaine du journalisme de l’enquête, le Times est sans pair. Dans des articles parfois d’une longueur vraiment impressionnante, il a dévoilé les scandales qui ont marqué toute une génération, dont la série d’articles au début des années 70 sur les documents secrets sur l’intervention américaine au Vietnam, jusqu’alors cachés par la Pentagone (le Ministère de la Défense), des reportages sur des abus environnementaux et aux USA et à l’étranger, en passant plus récemment par une enquête sur les conditions de travail épouvantables dans les usines Foxconn (où sont fabriquées les iPhone et iPad).

Il me fait peine pourtant d'admettre que le niveau intellectuel du New York Times n'est pas toujours
à la hauteur de celui du Monde.  Que l’on soit d’accord avec la ligne idéologique du Monde ou pas, j'estime qu'il demande plus au lecteur que le Times. Je ne souhaite pas sembler trop exigeant moi-même, mais je trouve que le supplément dans le Times qui paraît le dimanche - « Idées et débats » en serait la traduction approximative en français - laisse à désirer.  Je préfère l’édition du Monde du week-end, dont les suppléments sur les sciences, les arts et les idées sont beaucoup plus satisfaisants.**

* Bien sûr, depuis la grève chez Presstalis, la distribution du Monde est pour l’heure coupée à New York comme elle l'est en France.  Esp
érons que cette énième grève dans la distribution de la presse écrite ne sonne pas le glas pour le journal classique.


** Le Monde n’est pas le seul journal de qualité français, loin s’en faut.  La majorité des lecteurs de ce blog l’auront découvert sur lefigaro.fr, un journal auquel je suis fièrement abonné.  Le Figaro n’est plus distribué à New York, malheureusement.

lundi 28 janvier 2013

La Fermeture du Virgin Megastore, la culture et le passage au tout numérique



Avec un peu de recul, on peut dire que la fermeture du Virgin Megastore sur les Champs-Élysées n’est qu’une étape sur la voie qui nous emmènera sûrement à l’extinction du magasin.  Le magasin, on nous dit, appartient au passé et l’avenir appartient au téléchargement.  Certes, on ne doit pas traiter le licenciement des employés à la légère, mais force est de reconnaître que l’e-commerce représente une part du marché de plus en plus importante.  Le clic de la souris est en passe de remplacer le « bonjour messieurs-dames » et ce n'est pas la peine d'y résister.

Tout d’abord, il faut accepter qu’il soit inutile de se plaindre de l’inévitable.  On a beau dire que l’e-commerce représente le manque de culture au sens strict du terme, étant donné que l’action de faire un achat sur internet est toujours identique et n’a rien à voir avec les coutumes et traditions du pays où l’on vient à être domicilié.  C’est un acte purement mécanique.  En revanche, l’expérience d'acheter en magasin en France est bien différente de ce qu'elle serait aux USA, Dieu merci.

Il faut dire pourtant qu'accepter sans y réfléchir tous les changements technologiques de nos jours ne satisfait pas non plus. L’écran remplit les yeux tout en vidant l’âme.  Mais la nostalgie pour un passé idéalisé est un piège, d’autant que se réfugier dans le déni ne résout rien.  Par ailleurs il faut se demander si la perte du Virgin Megastore représente une perte grave pour le patrimoine culturel de la France.

Je répète que je ne prends pas du tout à la légère le fait que les employés du Virgin Megastore soient mis sur le carreau.  Mais une grande enseigne britannique peut être remplacée par celle d’un autre pays (ose-je croire qu’un magasin français, excluant la grande distribution, puisse s'installer à l'ancien site de Virgin ?).  Vu que le Virgin Megastore se trouvait sur les Champs-Élysées, il ne faudrait pas longtemps pour qu'une autre entreprise le remplace.

Les temps changent et avec eux les goûts et les habitudes.  Les disquaires de ma jeunesse me manquent, mais qui ne devient pas un peu triste en pensant à sa jeunesse ?  J’ai été même surpris d’apprendre (grâce à la controverse autour de sa fermeture) qu’il existait encore un Virgin Megastore à Paris, car les magasins Virgin Megastore à New York avaient fermé il y a belle lurette. 

Par contre, une fermeture que j’accepterais avec beaucoup moins de sang-froid serait celle de la Librairie Gibert-Joseph*.  Le jour où cette chaîne de librairies fermera (et ce serait la faute au maudit téléchargement !), je serai en deuil.  Le Librairie Gibert-Joseph est l’expression pure de l’âme française. Si le téléchargement des biens culturels était la cause de la disparition du Virgin Megastore, maintenant que la liseuse ronge les marges de la librairie classique, la chère Librairie Gibert Joseph, dont je garde tant de beaux souvenirs, est également menacée et je m’en inquiète, comme vous devriez vous en inquiéter.

La prochaine fois que vous visiterez New York, je vous conseille d’rendre visite à la librairie Strand, l’une des dernières librairies à l’ancienne qui ait su survivre à ses concurrents de l'internet.  L’âme de New York y vit.

*Le lendemain de la mise à jour de cet article j’ai appris que plusieurs succursales de la Librairie Gibert-Joseph ont bel et bien fermé.


vendredi 4 janvier 2013

Idées reçues sur les États-Unis, première partie



Les États-Unis sont un pays puritain

Ce n’est pas le bilan de la présidence de Bill Clinton dont on se souvient aux États-Unis, ce sont plutôt ses frasques sexuelles.  Clinton n’a pas pu maîtriser ses pulsions, même dans le bureau ovale ;  le public américain en était scandalisé. Toutefois, à l’époque, The New York Times nous disait qu’en Europe en général et en France en particulier, personne n’aurait trouvé scandaleux qu’un président poursuive des relations sexuelles hors mariage.  Le journal américain de référence nous rappelait que votre François Mittérand avait maintenu toute une famille en secret.  Si nous avons éprouvé de l’indignation à l’égard de Clinton, c’était à cause de notre puritanisme.

Oui, je doute que mes compatriotes aient supporté la conduite de Sarkozy au début de son mandat : ayant terminé son deuxième ( ! ) divorce, il s’est marié avec une chanteuse franco-italienne. Quoi que le divorce en masse soit devenu la règle aux USA, les Américains attendent néanmoins l’exemplarité de la part de leurs élus.

Le taux de réussite du mariage américain fait preuve pourtant que le puritanisme que vous percevez depuis votre côté de l’Atlantique n’est que l’hypocrisie.  En ce qui concerne la vie privée, nous avons un beau idéal, duquel la réalité est bien loin.  Les chiffres dévoilent la vérité. La taux de fertilité des adolescentes aux USA, bien qu’en baisse, reste bien au-dessus celui de la France : 30 naissances pour 1 000 femmes âgées 15-19 ans.  Ce chiffre présente un contraste avec les sept naissances pour 1 000 Françaises du même âge ; il ne dessine pas un pays abstinent, je suis sûr que vous en conviendriez.  Si l’on se tourne vers la consommation de la drogue, les faits ne sont guère mieux : 20 % des collégiens américains auraient consommé du cannabis, 52 % de l’alcool.

Je conviens que les Américains méritent bien l’accusation de ne rien comprendre à la sexualité ; cela ne veut pas dire que nous n’en avons pas le goût : les sites pornographiques font un carton, les grossièretés polluent la radio et la télé, les adolescents et mêmes les enfants encore plus jeunes habitent un monde de plus en plus sexualisé auquel il est quasiment impossible d’échapper – les ados se voient poussés vers une conduite sexuelle à laquelle ils ne sont pas du tout prêts moralement.

J’espère que ces statistiques et exemples suffiront à vous faire voir que contrairement à ce que beaucoup d’étrangers pensent, le puritanisme ne caractérise plus l’esprit américain contemporain.  C’est plutôt l’affaiblissement des institutions sociales qui posent le danger.  L’ébranlement des socles sociaux marque l’esprit américain.  Ce ne sont pas seulement les mœurs qui en sont corrompues, mais tout le quotidien de notre pays.

mardi 1 janvier 2013



Joyeux nouvel an à tous qui prennent le temps de lire ce blog.  Merci de votre intérêt et de votre fidelité !