Avec un peu de recul, on peut dire que la fermeture du Virgin Megastore sur les Champs-Élysées n’est qu’une étape sur la voie qui nous emmènera sûrement à l’extinction du magasin. Le magasin, on nous dit, appartient au passé et l’avenir appartient au téléchargement. Certes, on ne doit pas traiter le licenciement des employés à la légère, mais force est de reconnaître que l’e-commerce représente une part du marché de plus en plus importante. Le clic de la souris est en passe de remplacer le « bonjour messieurs-dames » et ce n'est pas la peine d'y résister.
Tout d’abord, il faut accepter qu’il soit inutile de se plaindre de l’inévitable. On a beau dire que l’e-commerce représente le manque de culture au sens strict du terme, étant donné que l’action de faire un achat sur internet est toujours identique et n’a rien à voir avec les coutumes et traditions du pays où l’on vient à être domicilié. C’est un acte purement mécanique. En revanche, l’expérience d'acheter en magasin en France est bien différente de ce qu'elle serait aux USA, Dieu merci.
Il faut dire pourtant qu'accepter sans y réfléchir tous les changements technologiques de nos jours ne satisfait pas non plus. L’écran remplit les yeux tout en vidant l’âme. Mais la nostalgie pour un passé idéalisé est un piège, d’autant que se réfugier dans le déni ne résout rien. Par ailleurs il faut se demander si la perte du Virgin Megastore représente une perte grave pour le patrimoine culturel de la France.
Je répète que je ne prends pas du tout à la légère le fait que les employés du Virgin Megastore soient mis sur le carreau. Mais une grande enseigne britannique peut être remplacée par celle d’un autre pays (ose-je croire qu’un magasin français, excluant la grande distribution, puisse s'installer à l'ancien site de Virgin ?). Vu que le Virgin Megastore se trouvait sur les Champs-Élysées, il ne faudrait pas longtemps pour qu'une autre entreprise le remplace.
Les temps changent et avec eux les goûts et les habitudes. Les disquaires de ma jeunesse me manquent, mais qui ne devient pas un peu triste en pensant à sa jeunesse ? J’ai été même surpris d’apprendre (grâce à la controverse autour de sa fermeture) qu’il existait encore un Virgin Megastore à Paris, car les magasins Virgin Megastore à New York avaient fermé il y a belle lurette.
Par contre, une fermeture que j’accepterais avec beaucoup moins de sang-froid serait celle de la Librairie Gibert-Joseph*. Le jour où cette chaîne de librairies fermera (et ce serait la faute au maudit téléchargement !), je serai en deuil. Le Librairie Gibert-Joseph est l’expression pure de l’âme française. Si le téléchargement des biens culturels était la cause de la disparition du Virgin Megastore, maintenant que la liseuse ronge les marges de la librairie classique, la chère Librairie Gibert Joseph, dont je garde tant de beaux souvenirs, est également menacée et je m’en inquiète, comme vous devriez vous en inquiéter.
La prochaine fois que vous visiterez New York, je vous conseille d’rendre visite à la librairie Strand, l’une des dernières librairies à l’ancienne qui ait su survivre à ses concurrents de l'internet. L’âme de New York y vit.
*Le lendemain de la mise à jour de cet article j’ai appris que plusieurs succursales de la Librairie Gibert-Joseph ont bel et bien fermé.