dimanche 25 décembre 2016

La France n’est toujours pas les États-Unis

Je sais que je ne suis pas le seul à faire des études comparatives sur la France et les États-Unis en amateur, loin de là.  Je me rends compte que depuis le début de notre (très longue) campagne présidentielle, en France aussi toute une communauté s’y est dédiée.   Vous voulez savoir si vous en arriverez à la mauvaise passe où nous nous trouvons depuis le 8 novembre; vous mettez les sociétés française et américaine sous la loupe pour déterminer si le Front National pourrait remporter les présidentielles en 2017.  Vous êtes inquiétés et pour cause.  Si Trump a gagné aux USA, contre toute attente, comment éviter le pire en France ?

Je ne crois pas pour autant qu’il y ait autant de colère en France qu’aux USA – une colère dont Trump a tant bénéficié pour remporter son étonnante victoire du 8 novembre.  Mais cette victoire historique n’était pas due qu’à la colère.  Les médias et la classe politique américains ont prévu la victoire certaine de Hillary Clinton.  Ils n’ont pas tenu compte du bouleversement économique depuis la crise de 2008 qui a tant nui au niveau de vie des ouvriers, ni du ressentiment culturel de ces derniers en raison de l’immigration de masse.  Les élites espéraient que Hillary Clinton aurait raison de Donald Trump ; le peuple, lui, espérait l’inverse.

Je viens de vous donner de quoi vous inquiéter.  A priori toutes les conditions sont réunies en France pour qu’un candidat populiste (à l’instar de Trump) vienne balayer l’ordre établi.  Pire, s'il n’y a pas autant de colère chez vous qu'ici, il y a tout de même un mécontentement qui agira d’une façon imprévisible sur l’électorat français.  C’est probable que Fillon gagnera, mais personne ne peut en être certain ; voilà la leçon que vous devriez tirer de notre élection récente (les Américains, donneurs des leçons !)

Imaginons donc que Marine Le Pen soit élue en 2017, qu’en serait le résultat pour le quotidien des Français ? Mme Le Pen tenterait d’imposer des restrictions sur l’immigration - cependant, même la présidente de la France ne serait pas en mesure de l’interdire.  Elle proposerait un référendum sur la sortie de l’UE et la monnaie unique, mais une telle initiative échouerait probablement.  Elle s’engagerait dans la voie de l’antilibéralisme économique, mais qui l’écouterait ? La France serait aussi difficile à réformer pour l’extrême droite qu’elle ne l’a été pour la gauche et la droite traditionnelle.  Rappelons-nous aussi que le FN n’a pas fait preuve de sa brillance en matière de gestion dans les communes où il a été au pouvoir.  Qui plus est, alors que Trump dispose d’une majorité absolue et dans le Sénat et dans le Congrès, combien de députés soutiendraient le programme de Marine Le Pen ?

En bref, un quinquennat hypothétique de Marine Le Pen ferait long feu.

Vous avez d’autres soulagements, à savoir votre système électoral, à lui seul, empêcherait le FN de gagner - l’élection de 2002 en a déjà fait la preuve.  Les électeurs de la gauche (ou au moins quelques-uns) se déplaceraient aux urnes pour faire barrage au Front National.  Si nous avions eu le système à deux tours, Trump n’aurait pas été élu, j’en suis convaincu.

Malgré l’admiration que Marine Le Pen a exprimée à l’égard de Trump, ils ne se ressemblent guère en tant que personnalités politiques.  Que l’on soit d’accord avec MLP ou pas, elle peut être provocatrice, mais elle n’est pas grossière.  Elle s’exprime bien, tandis que Trump s’exprime très mal Marine Le Pen souhaite se dédiaboliser, tandis que M. Trump a l’intention de mettre en marche un programme outrancier, quelles qu’en soient les conséquences.  


L’exception française a du moins le mérite de vous épargner la galère que le mandat de Donald Trump nous apportera.  Vous êtes chanceux.

mardi 1 mars 2016

Maintenant, les lecteurs du New York Times ont peur pour l’avenir de la France

A en croire les envoyés spéciaux du New York Times, la 5e République est en danger. D'après eux, il est fort probable que Marine Le Pen, la candidate présumée de l’extrême droite, remportera l’élection présidentielle de 2017, vu la montée de l’extrême droite en Europe en général et le mécontentement de l’électorat français en particulier.  Toutes les conditions sont réunies, à savoir chômage de masse, afflux des migrants, ras-le-bol du projet européen, pour la chute de la démocratie en France.

Les beaux esprits de notre journal de référence nous feraient croire que les années 30 sont de retour.

Vous et moi, pourtant, nous savons que la réalité est tout autre.  Le mouvement que dirige Marine Le Pen n’a rien à voir avec l’extrême droite ; le FN est un parti populiste dont les adhérents se sentent victimes de la mondialisation et l’espace Schengen.  Il ne s'agit pas d'apprentis Nazis.  Quoi qu'il en soit, Marine Le Pen sera éliminée dès le second tour et ce sera Alain Juppé - un personnage aussi anodin qu’inconnu aux USA - qui accèdera au pouvoir en 2017.  La vérité n’attire pas de lecteurs.

dimanche 31 janvier 2016

En matière d’appartenance religieuse, avantage USA

Les signes religieux ostentatoires ne cessent de vous tourmenter. Chez certains beaux esprits, le collier avec croix n’est pas une légitime expression religieuse - c'est une atteinte à la laïcité. Comment en est-on arrivé là ?

La loi de 1905 était censée résoudre les questions les plus épineuses sur le rôle de l'église dans un état de droit, mais, malheureusement, ces questions sont réapparues et ça fait quarante ans au moins qu'elles vous préoccupent, voire obnubilent.  Ce n’est pas que la présence croissante de l’Islam en France à laquelle ce débat sempiternel est dû. Vous avez débattu du rôle du voile intégrale dans un état laïc et ce voile agaçant est désormais interdit. Mais si le voile n’est plus permis, pourquoi pas le port de la croix et de la kippa aussi ? Une fois que la question semble résolue, les croyants de tous bords se rebiffent et l’on se voit obligé de retourner à la case départ.  Plus on en débat, plus on s’éloigne d’une solution durable, paraît-il.

La loi de 1905 a eu des effets inattendus, voire pervers.  Elle exige que la religion reste dans le domaine de la vie privée, mais cette dernière n’est pas si facile à définir. S’agit-il de la vie privée ou la vie sécrète des personnes ? Dès lors que nos croyances religieuses se font connaître (par un voile, une croix, une kippa ou par un nombre illimité d’autres moyens), appartiennent-elles encore à l’espace privée ou donnent-elles un caractère religieux å l’espace publique ?  

On ferait mieux de tenter de déterminer combien d’anges peuvent danser sur une tête d’épingle.  Vous avez tant de mal à imaginer que la religion et la société civile puissent coexister.  Votre histoire vous a peut-être appris à vous méfier de la religion et à en juger par bien des éditoriaux, tribunes et commentaires que j’ai lus sur le sujet, vous êtes assez loin encore de vous mettre d’accord sur la bonne solution.

Certes, l’histoire américaine est marquée par des interrogations sur le rôle de la religion.  Nous nous vantons de ne pas avoir une religion officielle, mais en dépit de ce principe, si louable qu’il soit, ce sont les militants du christianisme qui exercent l’influence la plus disproportionnée sur le processus politique des USA, au point que les candidats de notre parti politique de droite doivent se mettre en conformité avec leurs réclamations, s’ils veulent passer au second tour.

Je suis pourtant fier d’être né dans un pays de si belles contradictions.  En France, vous devez avoir l’impression que les croyants du christianisme ont la mainmise sur les leviers de pouvoir politique (à moins que vous fassiez partie de cette affreuse minorité qui croient que ce sont les juifs plutôt qui les détiennent).  Mais, quelle que soit son appartenance religieuse, dès qu’un aspirant à la citoyenneté foule le sol américain, on devient américain, dans un certain sens. Cela vaut pour les musulmans - cela vaut pour tout le monde. Donald Trump a beau proposer d’interdire le droit d’entrée aux musulmans, c’est lui qui va à l’encontre aux principes fondamentaux du pays qu’il prétend diriger.

En France par contre, c'est très possible d’y grandir sans se sentir français pour autant. Quelques-uns attribuent ce phénomène à l’islamophobie et au racisme. La faute incombe à la double nationalité et le manque d’allégeance qui va avec, ou même l’incompatibilité de l’Islam avec les valeurs républicaines, ripostent quelques autres. Il conviendrait de nous rappeler que l’islamophobie et le racisme existent aux USA et c’est vrai qu’ils incitent certains individus à la violence ; cependant, l’énorme majorité de nos musulmans se sentent américains.

Aux USA, nous avons une culture de l’immigration, ce qui manque en France malgré des flots migratoires successifs depuis le 19e siècle ; cela pourrait contribuer au sentiment d’exclusion ressenti chez quelques Français issus de l’immigration. Mais vous avez aussi votre loi de 1905, qui impose une conception binaire « religion - république ».  Celle-ci n’est pas faite pour dérouler le tapis rouge devant ceux de forte croyance religieuse.