dimanche 31 janvier 2016

En matière d’appartenance religieuse, avantage USA

Les signes religieux ostentatoires ne cessent de vous tourmenter. Chez certains beaux esprits, le collier avec croix n’est pas une légitime expression religieuse - c'est une atteinte à la laïcité. Comment en est-on arrivé là ?

La loi de 1905 était censée résoudre les questions les plus épineuses sur le rôle de l'église dans un état de droit, mais, malheureusement, ces questions sont réapparues et ça fait quarante ans au moins qu'elles vous préoccupent, voire obnubilent.  Ce n’est pas que la présence croissante de l’Islam en France à laquelle ce débat sempiternel est dû. Vous avez débattu du rôle du voile intégrale dans un état laïc et ce voile agaçant est désormais interdit. Mais si le voile n’est plus permis, pourquoi pas le port de la croix et de la kippa aussi ? Une fois que la question semble résolue, les croyants de tous bords se rebiffent et l’on se voit obligé de retourner à la case départ.  Plus on en débat, plus on s’éloigne d’une solution durable, paraît-il.

La loi de 1905 a eu des effets inattendus, voire pervers.  Elle exige que la religion reste dans le domaine de la vie privée, mais cette dernière n’est pas si facile à définir. S’agit-il de la vie privée ou la vie sécrète des personnes ? Dès lors que nos croyances religieuses se font connaître (par un voile, une croix, une kippa ou par un nombre illimité d’autres moyens), appartiennent-elles encore à l’espace privée ou donnent-elles un caractère religieux å l’espace publique ?  

On ferait mieux de tenter de déterminer combien d’anges peuvent danser sur une tête d’épingle.  Vous avez tant de mal à imaginer que la religion et la société civile puissent coexister.  Votre histoire vous a peut-être appris à vous méfier de la religion et à en juger par bien des éditoriaux, tribunes et commentaires que j’ai lus sur le sujet, vous êtes assez loin encore de vous mettre d’accord sur la bonne solution.

Certes, l’histoire américaine est marquée par des interrogations sur le rôle de la religion.  Nous nous vantons de ne pas avoir une religion officielle, mais en dépit de ce principe, si louable qu’il soit, ce sont les militants du christianisme qui exercent l’influence la plus disproportionnée sur le processus politique des USA, au point que les candidats de notre parti politique de droite doivent se mettre en conformité avec leurs réclamations, s’ils veulent passer au second tour.

Je suis pourtant fier d’être né dans un pays de si belles contradictions.  En France, vous devez avoir l’impression que les croyants du christianisme ont la mainmise sur les leviers de pouvoir politique (à moins que vous fassiez partie de cette affreuse minorité qui croient que ce sont les juifs plutôt qui les détiennent).  Mais, quelle que soit son appartenance religieuse, dès qu’un aspirant à la citoyenneté foule le sol américain, on devient américain, dans un certain sens. Cela vaut pour les musulmans - cela vaut pour tout le monde. Donald Trump a beau proposer d’interdire le droit d’entrée aux musulmans, c’est lui qui va à l’encontre aux principes fondamentaux du pays qu’il prétend diriger.

En France par contre, c'est très possible d’y grandir sans se sentir français pour autant. Quelques-uns attribuent ce phénomène à l’islamophobie et au racisme. La faute incombe à la double nationalité et le manque d’allégeance qui va avec, ou même l’incompatibilité de l’Islam avec les valeurs républicaines, ripostent quelques autres. Il conviendrait de nous rappeler que l’islamophobie et le racisme existent aux USA et c’est vrai qu’ils incitent certains individus à la violence ; cependant, l’énorme majorité de nos musulmans se sentent américains.

Aux USA, nous avons une culture de l’immigration, ce qui manque en France malgré des flots migratoires successifs depuis le 19e siècle ; cela pourrait contribuer au sentiment d’exclusion ressenti chez quelques Français issus de l’immigration. Mais vous avez aussi votre loi de 1905, qui impose une conception binaire « religion - république ».  Celle-ci n’est pas faite pour dérouler le tapis rouge devant ceux de forte croyance religieuse.

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