jeudi 29 novembre 2012

La construction européenne vue par un citoyen d’un état fédéral




Une fédération, qu’il s’agisse de l’union des 50 états dont est fait mon pays d’Amérique, ou qu’il s’agisse de l’Europe de 27, doit apporter aux pays/états membres des bénéfices dont ces pays ou états ne jouiraient pas s’ils restaient seuls.  N’en déplaise à mes concitoyens du Texas, les 50 états des USA sont plus forts ensemble qu’ils ne le seraient séparés.  Ils sont défendus par une armée nationale, subventionnés par des impôts recueillis par le gouvernement national (ou très souvent à nos jours par des emprunts faits par le gouvernement national sur le marché mondial - cela revient au même) et protégés par la même constitution.  On peut dire - certes, on se doit de dire que les États-Unis ont une culture, une histoire et une langue plus ou moins communes. Bref, les USA sont un pays, indivisible.

L’idée que nos états pourraient se séparer les uns des autres est donc ridicule.  Même mes amis texans s’en rendent compte.  Cependant, il est également ridicule d’imposer le modèle fédéral là où il n'y a pas de cohérence ethnique, culturelle et économique.  Je parle, bien sûr, de l’Europe des 27.

Je crains que l’Union européenne ne soit qu’une tentative de créer un États-Unis d’Europe à coups de bâton de magie. Or comme tous les enfants savent dès l’âge de sept ans, la magie est un mensonge.  Les États-Unis sont nés à travers un travail constitutionnel acharné, une guerre révolutionnaire et plus tard une guerre de sécession.  L’UE est un monstre de Frankenstein conçu par - il faut le dire - une élite bien-pensante, imposé sur les peuples de l’Europe qu’ils le veuillent ou pas.

Voilà mon opinion.  Mais les faits sont aussi éloquents. Dans un premier temps, une union qui comprend l’Allemagne et la Grèce n’est pas faite pour réussir ; de fait, elle ne réussit pas en raison du gros écart culturel et économique entre ces deux pays.  Cet écart semble infranchissable par ailleurs.  La monnaie unique, pour sa part, est un boulet qui gêne la compétitivité de tous les pays de l’Union, y compris la France ; l’Allemagne est le seul membre qui en bénéficie.  L’Espace Schengen fut conçue pour permettre le libre passage dans l’UE, mais a eu le résultat pas du tout souhaitable de priver aux pays membres le droit de régler leurs propres frontières.  La réglementation bruxelloise a l’air de se faire dans l’ignorance totale des conditions sur le terrain, avec des conséquences particulièrement lourdes pour les agriculteurs français.

L’Union Européenne est une armée mexicaine.  Ce qui me semble beaucoup plus pratique, pour ne pas dire plus respectueux des pays concernés, serait des zones de coopération plus petites.  Il vaudrait mieux s’en tenir au couple franco-allemand, par exemple, mais on pourrait y ajouter l’Espagne quand cette dernière sortira de la crise (si jamais elle y parvient).  Un groupe économique qui comprenne les pays de l’Est aussi me semblerait une bonne chose.  Cependant, une zone multinationale quelconque doit respecter la langue et culture locales pour réussir et être acceptée par le peuple.  L’Europe des 27 agit comme s’il n’y avait aucune différence entre ses membres - elle est donc vouée à l’échec.

dimanche 11 novembre 2012

La Langue de Shakespeare, deuxième partie


Vous êtes fort inquiétés du sort de votre langue et vous avez raison de l’être, vu la dominance de l’anglais qui, lui, s’impose petit à petit au point de remplacer le français comme langue universelle.  Sachez pourtant que la victoire de ma langue est pyrrhique.  Car la dominance de l’anglais n’a rien à voir avec le mérite de la langue elle-même.  C’est plutôt en raison du modèle économique anglo-saxon que l’anglais est devenu la langue universelle.  C’est normal qu’un monde qui adopte la pensée économique d’Adam Smith et ses acolytes adopte aussi la langue anglaise comme langue des affaires.  Comme les affaires ne connaissent plus de frontières, c’est normal aussi que l’anglais se répande dans le monde entier.  On ne devrait pas donc s’étonner que ce ne soit plus la langue de Shakespeare que l’on parle, c’est la langue de commerce, sans racines ni culture.


Pendant 350 ans environ (1600-1945), la richesse de l’anglais l’aurait certes rendu digne d’être considéré la première langue du monde (avec le français et l’espagnol bien sûr).  Entre la traduction de la bible en anglais (parrainée par le roi Jacques et achevée pendant la même période où Shakespeare écrivait ses pièces de théâtre) et la fin de la deuxième guerre mondiale, l’anglais fut une grande langue littéraire.  Seul le français l’aurait rivalisé dans ce domaine (n'en déplaise à mes amis allemands, russes, espagnols, etc.).

L’anglais est justement l’un des grands fortunés de l’histoire.  Il a bénéficié de l’invasion normande, s’appropriant la richesse du vocabulaire français.  La Renaissance lui a permis de s'ouvrir et de respirer en quelque sorte l'air de la pensée libre sous le règne bénévole d’Elizabeth I, d’où le génie de Shakespeare et d’autres poètes contemporains a su se développer. Au 18e siècle l’Âge d'éclaircissement a vu apparaître des écrivains anglais importants (surtout des historiens et philosophes) pendant que l’Empire britannique a répandu la langue et l’influence anglaises ; l’isolement géographique épargnait l’Angleterre les ravages des guerres continentales en même temps que la révolution industrielle lui apportait la prospérité.  Au 19e siècle l’Angleterre est devenue un pays bourgeois avec une confiance en elle-même insupportable (du point de vue français) - donc elle s’est transformée en un milieu parfait pour l’originalité littéraire ( ! ) : Jane Austen, Dickens, Thomas Hardy, George Eliot, etc.

L’essor des États-Unis a lui aussi joué un rôle non négligeable à l’évolution de l’anglais.  À partir de la fin de la guerre de Sécession sinon plus tôt, on peut constater l’arrivée d’une langue américaine, bien différente de son cousin anglais.  À travers l’œuvre de Mark Twain, Walt Whitman et d’autres écrivains américains du 19e siècle on commence à voir un esprit nouveau qui va de pair avec la croissance non seulement économique mais culturelle des États-Unis.


Pour terminer cette courte histoire de la langue anglaise, il suffira de constater que ma langue maternelle a surmonté tous les bouleversements de la première partie du 20e siècle.  La Grande Guerre et l’après-guerre, la décontraction des mœurs des années 20, la crise des années 30 ont tous produits de grandes voix littéraires et outre-Manche et en Amérique.


Malheureusement, le seul bouleversement auquel la grandeur de l'anglais n’ait pu survivre a été l’âge de consommation (1945-jusqu’au présent).  Face aux guerres et aux crises l’anglais a tenu bon.  Face à la paix et la dominance du système anglo-saxon, l’anglais s’est écroulé.  Que l’anglais est une langue utile et très influent il n’y a aucun doute.  Cependant, dans l’anglais contemporain je n’y vois plus les qualités poétiques si évidentes dans les discours d’Abraham Lincoln et les meilleurs livres et contes d’Ernest Hemingway. Quant à Henry James, c’est comme si ce géant du roman était de provenance extraterrestre.