samedi 17 septembre 2011

Le Capitalisme et ses trois fils: une fable

En 1989, lorsque le Communisme fut définitivement vaincu, son ennemi héréditaire, le Capitalisme, épousa finalement son amant, la Liberté.

Les conjoints eurent trois fils, l’un après l’autre, pendant les trois premières années de leur mariage.

Malheureusement, la naissance du dernier fils produisit la mort de la mère.  Le père fut donc laissé seul à élever les petits garçons.  Le père était naturellement fortuné, ayant les moyens d'embaucher un nounou pour chaque fils.  Mais il incomberait à lui seul de leur enseigner la morale.

Il n’y réussit pas du tout.  Le premier né se montrait très irrespectueux, en fait il était un vrai garnement, impossible de contrôler.  Le second fils était las, d’un aspect toujours maussade.  Le plus petit, c’était un enfant un peu gâché, intelligent mais espiègle.

Ce dernier incarnait le capitalisme à l’anglo-saxonne.

Et avant 2008, tout le monde le trouvait charmant. Surtout le père.
« Regardez, disait-il, comme mon premier né est tellement intelligent. Il exporte sa capacité industrielle, tout en s’enrichissant au secteur financier et immobilier. C’est impressionnant, n’est-ce pas? »

Cependant, l’enfant terrible n’impressionnait pas tous les invités, surtout ceux de la gauche, ces derniers étant fort troublés des inégalités sociales que le jeune génie fit naître. En tout cas, en 2008 la maladresse du benjamin de la famille produisit un désastre effrayant. Ses créations, la City et Wall Street ne nous livrèrent que des richesses illusoires. Le père, comme vous pouvez imaginer, était déçu, mais ne punit pas son dernier fils, son favori, qu’il tant aimait.

Alors, le jeune maître déclencha la crise dont nous souffrons toujours aujourd’hui. Et il n’en a toujours pas souffert les conséquences.

Le deuxième fils, à vrai dire, était le moins aimé du père. Celui-ci représente le capitalisme européen.

Pendant sa petite enfance, il semblait qu’il devienne fort, mais au fil des ans il perdit son énergie.  À l’école, il ne participait jamais aux jeux.  À la récré il restait seul, adossé au mur, le regard morne ou parfois hautain.  Ses camarades de classe se moquaient de lui, mais il s’en fichait.

À nos jours ce jeune homme présente un aspect blême.  En dépit de son intelligence il reste moins ambitieux que ses frères. Il a l’esprit d’un vieillard, rappelant le vieillissement démographique de son continent.  Il déteste les jeux de chance dont le benjamin est si friand, tout en dépensant tant d’argent pour maintenir sa santé qu’il a fini par être le plus endetté des trois frères.  Des trois frères il est par ailleurs le moins habile en matière de création de l’emploi.  Cependant, il impose des taxes lourdes, mais pour autant n’arrive jamais à combler son vide budgétaire.

Le père tolère son deuxième fils, mais ne ressent aucun amour pour lui.  Les deux ne se sont échangé même pas un mot depuis des années.

Le fils aîné a quitté le foyer pour de bon.  Il a définitivement rompu avec les siens et n’en a plus besoin d'ailleurs.

Le premier né représente le capitalisme effréné des pays émergents.

Dès l’enfance, il ne se soumettait pas aux règles de la maison.  Il ne craignait point son père, il méprisait ses deux frères, gardant tout de même un respect caché pour le plus petit.

Il était sportif, jouant au rugby et au foot, mais le sport auquel il était le plus doué, c’était la boxe.  Il n’avait jamais pitié pour son adversaire.

La vieille de son 18e anniversaire, son père voulut lui inculquer la morale, mais la leçon échoua. « Il faut offrir un salaire juste à la main d’œuvre, disait le père.  Le fils ricanait. Il ne faut jamais piquer les secrets industriels aux concurrents et tu dois respecter les brevets, le père continuait.  Encore un ricanement de la part du premier fils. « Et maintenant tu vas me faire un discours sur l’environnement? demanda le goguenard.  Ce n'est pas la peine.  Quant  à l’environnement je m’en fous.  Le but des affaires, c’est d’en tirer le plus de bénéfices possibles, peu importent les coûts humains ou environnementaux.  J’ai vraiment honte d’être ton fils, » s’écria le fils prodigue.  Et en claquant la porte, le premier fils du Capitalisme quitta la maison familiale pour jamais.  Or qui aurait cru que le père et le fils partageaient le même ADN?

Aujourd'hui, le pauvre père est en retraite.  Il vit tout seul, pensant avec une amertume obsédée aux dérives de ses fils.

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