mercredi 5 novembre 2014

Le Prix Nobel

Les États-Unis et la France subissent beaucoup d’expériences en commun, mais nous les vivons - c’est le moins que l’on puisse dire - différemment.

Prenons l’exemple du prix Nobel.  Nos deux pays en ont reçu une quantité impressionnante.  Dans votre cas, c’est d’autant plus remarquable que la France ne dispose que d’1 % de la population mondiale.

Nos prix Nobel sont un héritage dont nous devrions être fiers. Cependant, en l’occurrence ces honneurs n’ont pas suscité toute la fierté que l’on espérerait.  Ici, lorsqu’un de mes concitoyens gagne le prix Nobel, cela peut faire la une...du New York Times ou du Washington Post, mais le grand public n’en fait pas vraiment grand cas.  C’est l’actualité du jour et on l’oublie aussitôt.  Nous sommes des patriotes convaincus - sauf chez les classes les plus aisées - mais ce ne sont pas nos prix Nobel qui nous font agiter le drapeau rouge-blanc-bleu.  Le prix Nobel, c’est un truc des têtes d’œuf. 

Chez vous, c’est un peu plus compliqué.  Cette année, vous avez remporté deux prix Nobel majeurs.  Vous auriez dû vous en féliciter.  J’ai toutefois l’impression que cet évènement n’a fait que mettre en relief tout ce qui ne marche pas en France.  Vous remarquez plutôt que l’Éducation nationale n’est plus en mesure de former des futurs candidats au prix Nobel.  Patrick Modiano et Jean Tirole représentent une époque qui est révolue en France.

Je suis certain que parmi les 65 millions de Français, il doit y en avoir qui se sont réjouis que deux compatriotes aient reçu un prix si prestigieux.  J’ai deux sources fiables qui témoignent pourtant du paroxysme d’introspection que l’attribution du prix Nobel a provoqué chez vous.  Le New York Times nous racontait, dans l’édition du 13 octobre 2014 que la joie suite à l’annonce n’était pas généralisée, loin s’en faut.  Lorsqu'Éric Zemmour a abordé le sujet du prix Nobel sur RTL, il était tout sauf content.

Ce que l’on ne verrait jamais aux USA : un journaliste qui saisit l’occasion de l’attribution du prix Nobel à un concitoyen pour montrer du doigt la décadence de son pays.  L’autocritique dont on témoigne en France autour du prix Nobel nous est étrangère. Nous sommes plutôt partisans de l’indifférence.