samedi 28 mars 2015

Les Effets pervers des nouvelles technologies

La révolution numérique nous libérera (comme toutes les autres révolutions qui l’ont précédée furent censées faire).  On n’a de cesse de nous faire croire que les nouvelles technologies nous permettront de nous affranchir de toute contrainte imposée par les frontières (et, on sous-entend, celles imposées par les mœurs, les coutumes, en bref la culture bourgeoise - ou ce qui en reste).

Oui, la révolution qui est en passe de transformer, voire bouleverser la vie humaine a bien des points en commun avec les révolutions politiques et sociales de l’histoire (si ce n’est que l’histoire est désormais une matière ringarde, grâce au passage au tout numérique). Dans un premier temps, le mouvement qui commence en bas (gros ordinateurs fabriqués dans des garages par des particuliers visionnaires imprégnés de l’ambiance post soixante-huitarde qui les entoure) finit par être dirigé d’en haut (les grandes entreprises qui sont nées dans ces mêmes garages). L’essor de l’informatique est pareil, dans ce sens, à la Révolution russe.

Il ne faut pas se fier aux apparences : l’ambiance décontractée des années 1970 que le grand public croit régner chez Google, Apple, etc. n’est que la com. Il y a en fait une ligne directe entre les fondateurs des géants de l’informatique et les barons-voleurs du 19e siècle.  Les conditions de travail épouvantables dans les usines chinoises des sous-traitants d’Apple et la réponse musclée de Google face aux actions judiciaires de la part de la Cour européenne en sont la preuve.

Tout comme la révolution industrielle, la révolution numérique n’apporte pas que des maux pour autant. Si j'ai un certain niveau en langue française, ce n’est pas dû à l’école, mais à l’internet.  Ce dernier me permet d’écouter la radio française et de lire Le Figaro et Le Nouvel Obs (certes, je préfère la version papier des publications françaises et je suis chanceux d’habiter dans une grande ville américaine avec des marchands de journaux qui les vendent).  Dans toute l’histoire, on n’a jamais vu un si puissant outil pour faire répandre les connaissances et on peut facilement en profiter. 

Mais l’internet n’est pas encore arrivé à créer le paradis terrestre promis.  Il a en fait produit l’inverse de ce qu’il devait faire, dans bien des domaines (bien qu'il faille reconnaître que l’énorme majorité des usagers sont très contents de l’internet comme il est).  Voilà une liste non-exhaustive de la curieuse évolution de la Toile et les appareils qui nous permettent d’y accéder.

Chose promise : lInternet offrira libre accès à toutes les connaissances de l’humanité et les gens en profiteront pour améliorer leur condition.  Une nouvelle ère s’annonce.

Réalité : une nouvelle ère est bel et bien arrivée, mais ce n’est pas celle à laquelle on s’attendait.  Tout est disponible sur l’internet, pour le meilleur ou pour le pire, mais c’est souvent le pire qui prime.  L’internet est censé édifier, mais souvent ne fait que distraire.  On se rend compte, trop tard, que l’on a affaire å l’équivalent de la restauration rapide culturelle et non pas le second Temps des lumières.  La Toile tire vers le bas.  Ceux qui possèdent de l’érudition sont bien placés pour profiter de l’internet (chercheurs, journalistes, etc.), tandis que ceux qui n’en ont pas s’y fourvoient (extrémisme de tous bordsharcèlement, dépendance aux réseaux sociaux).

Chose promise : l’internet transformera le commerce en rendant superflu le déplacement et l’intermédiaire.  La livraison à domicile de presque n’importe quel achat est désormais possible avec le seul clic sur l’ordinateur, voire avec les « smartphone » .

Chose promise, chose due. Mais plus ça change, plus c’est la même chose. Nous sommes toujours dans l’ère sauvage du capitalisme 2.0.  Pendant les premières phases de la révolution industrielle et les premiers pas du capitalisme, les grands avalaient les petits et les ouvriers étaient exploités, au profit des barons-voleurs. À nos jours, les grands avalent les petits encore et les ouvriers perdent leurs emplois grâce aux délocalisations et la concurrence déloyale.  Le commerce sans frontières, dont l’internet est en grande partie responsable, rend possible la fabrication là où les conditions sont les plus favorables. Dans cette période ultra-libérale, cela se traduit par le déménagement des usines aux pays low-cost.  

L’internet est fait pour bénéficier le consommateur (le Roi des temps contemporains), aux dépens de tous les autres acteurs de l’économie sauf la finance. Mais aussi de la culture - l’ennemi juré de la culture (et pas uniquement la nôtre), voué à sa destruction, est la face cachée de l’internet bienveillant.  Amazon fait du chantage aux maisons de l’édition et aux librairies.  Le consommateur, qu’il soit français ou américain, y est tout à fait indifférent - l’important, c’est de pouvoir commander des livres bradés sur internet.  Il n’y a qu’un inconvénient : bientôt il n’y aura plus de librairies.  L’espace public est en passe de devenir un désert ; on en est déjà arrivé là dans certains quartiers de New York et selon plus qu’un reportage que j’ai lu, dans beaucoup de centres-villes hexagonaux.

Ce n’est pas par hasard que la plupart de ces innovations technologiques viennent de notre côté de l’Atlantique.  Depuis l’aube de l’âge industriel, les Américains n’ont pensé qu’aux avantages des inventions qu’ils créent, qu’il s’agisse de la voiture, les céréales...ou le smartphone. Aux USA, celui qui dit que le smartphone nuit à l’art de vivre prêche dans le désert.  Chez nous, l’écran est devenu le centre de l’existence, pour le meilleur ou le pire ; on n’en a cure. Telle est de plus en plus la situation en France et partout dans le monde. J’espére pourtant que vous vous révolterez contre la dictature de l’écran, étant donné que vous résidez dans le pays de la culture et l’art de vivre. On verra.