mercredi 23 avril 2014

Le 19e Siècle est de retour

L’élan nationaliste déterminait l’histoire du 19e siècle.  Or, le nationalisme n’est pour nous qu’une barbarie, mais il y a cent ans (je me mets d’accord avec les historiens qui nous racontent que le 19e siècle dura jusqu’en 1914) il était la force dont se nourrissaient tous les grands pays (et les petits pays aussi) de l’Europe.  On appartenait à une nation et cette appartenance définissait un peuple.  Le fait d’être français, allemand, etc. conférait la seule identité qui comptait, mais aussi de la supériorité.  Un Anglais valait deux Allemands et vice versa.  Les Français étaient vains et frivoles et les Allemands étaient forts.  Les Français étaient civilisés et les Allemands étaient brutaux.  L’autocritique était rare et on aimait bien s’attribuer toutes les vertus.

Aujourd’hui le nationalisme est considéré comme une idée saugrenue chez la classe dirigeante et dans les médias, mais l’essor du populisme en Europe se nourrit, à mon avis, de l’écart entre les élites qui se croient au-dessus du nationalisme et le peuple qui, lui, y reste attaché malgré tout le progrès que la civilisation est censée avoir fait.  Le dégoût médiatique à l’égard du Front National et les autres mouvances populistes européennes n’a pas su empêcher Marine Le Pen de devenir de plus en plus respectable. Monsieur et madame tout le monde restent fidèles à l’idée de la nation et les élites n’en reviennent pas.  Peu importe, le ras-le-bol envers la classe politique et la construction européenne refuse de disparaître.

L’indignation envers la Russie ces derniers mois est du même genre.  Dans l’Occident on a tant de mal à accepter que Poutine veuille ajuster les frontières russes de telle sorte que ces dernières protègent désormais tous ceux qui possèdent l’ethnie russe.  Si l’on reste éveillé dans la classe d’histoire-géo, on se rend compte éventuellement qu’il n’y a rien de plus normal.  Dans l’histoire mondiale, combien de guerres et autres bouleversements y a-t-il eu au nom de réunir les populations qui partageaient une nationalité ?

Cependant, les pays principaux de l’Occident, dont la France et les États-Unis, digèrent mal la démarche de Poutine.  Selon eux, Poutine transgresse la loi internationale.  Cela se peut, mais pire, il va à l’encontre du bon goût postnationaliste.  À ce stade de l’histoire (ou selon certains beaux esprits, de la posthistoire), on aurait dû évoluer à un tel point de ne plus vouloir obéir aux sirènes pan-slavistes.

Pas étonnant donc que la réponse des ministères des affaires étrangères de nos deux pays soit si mal adaptée au défi que Poutine nous a lancé.  En privant la Russie de deux bateaux Mistral la France ne fera que nuire à l’économie française.  Quant aux Américains, les mesures qu’ils ont mises en œuvre jusqu’ici ont plus de force symbolique que diplomatique.  Nous défendons les droits de l’homme, mais ce ne sont pas les droits de l’homme dont il est question en Ukraine, mais d’un règlement de frontières.  Ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’on en aura témoigné.