jeudi 2 mai 2013

Mohamed Merah et les frères Tsarnaev : gare aux comparaisons faciles !

Aux USA nous nous efforçons de comprendre ce qui aurait pu pousser deux jeunes hommes, en apparence bien regardés et par ailleurs bien intégrés dans la société américaine, à commettre un acte de terreur aussi haineux que celui du 15 avril.  A priori on aurait de quoi s’inquiéter si ces deux immigrés, qui jusqu’alors n’avaient suscité aucun soupçon, étaient capables de planifier et mener à bout un attentat prémédité contre des personnes totalement innocentes, en l’occurrence les coureurs du marathon de Boston.

Le désir de comprendre la motivation des frères Tsarnaev a incité quelques Français à comparer cet incident avec l’affaire Merah.  Certes, Merah et les Tsarnaev partageaient un sentiment de victimisation et une haine insensée. Tous les trois ont su occulter leurs projets de meurtre jusqu’au passage à l’acte.  De plus, on peut dire qu’ils étaient tous les trois des adeptes du djihad de cour de récré numérique. On a tout à fait le droit d’en venir à ses propres conclusions là-dessus.

À mon avis pourtant, ce serait une erreur de les mettre tous dans le même sac.  Mohamed Mehra était bien connu des services de police.  Il avait voyagé en Afghanistan et au Pakistan pour s’entraîner à l’usage des armes à feu. Il n’avait pas trouvé sa place dans la société française (c’est le moins que l’on puisse dire) et il n’avait pas l’air de souhaiter la chercher.  Dernièrement, les signes qu’il entendait passer à la violence physique ne manquaient pas. 

En revanche, les frères Tsarnaev n’avaient sombré dans la violence qu'au moment fatidique où ils ont décidé de fabriquer leurs bombes.  Le frère aîné s’était dédié à la boxe, le cadet s’était fait bien des amitiés au lycée et son seul défaut était qu’il était friand du cannabis, une drogue connue pour apporter l’apaisement plutôt que la rage. Ici il s’agit de deux vies assez prometteuses qui ont malheureusement pris un très mauvais tournant.

Or, il y a deux leçons à tirer des deux attentats.  Dans un premier temps, il est impossible de baisser la garde face à une menace de terrorisme qui peut surgir de toutes parts et à tout moment.  Mais c’est également impossible de savoir préalablement les conditions sous lesquelles un terroriste domestique pourrait se développer. La vigilance n’est pas la même chose que la compréhension et souvent on confond les deux, surtout de ce côté de l’Atlantique.  L’attaque des Tsarnaev nous laisse pantois d'ailleurs parce qu’elle va carrément à l’encontre d’une certaine idée que nous avons de la capacité de l’immigration de blanchir toute différence.

Par contre, vous avez été bouleversés, voire horrifiés par l’attaque de Mohamed Merah, mais je ne crois pas que vous en ayez été vraiment surpris, parce que l'acte qu'il a commis, si terrible qu’il fût, n’était qu’une expression plus intense de ce qui se passe tous les jours dans les quartiers dits sensibles, à savoir les policiers qui se font caillasser et les attaques des transports en commun. En France Mohamed Merah est le symbole de l’assimilation ratée, alors qu'aux USA, quelles que soient les raisons pour lesquelles les frères Tsarnaev ont fait exploser deux bombes à la ligne d’arrivée du marathon de Boston,  l’immigration en tant qu’idée fondatrice de la nation ne sera pas mise en cause.